Analyse de l'élection municipale de DAMVILLE
Il est toujours intéressant de faire l'analyse (au sens chimique) d'une élection.
Mais aussi de rechercher ce qui du point de vue socio-ethnologique a agi sur les résultats.
Voici les chiffres :
Nombre d'inscrits : 1341
Votants : 916 (68,31 %)
Exprimés : 883
Abstention: 31,69 %
Liste de M. Levée : 507 voix, soit 57,47 %
Liste de M. Acounès - Mme Desnos : 376 voix, soit 42,58%
Concernant la liste de M. Levée, comment expliquer sa victoire ?
Elle s'inscrit tout d'abord dans la ligne d'une forte légitimité assise par le prédécesseur, Madame Charpentier qui a été maire de Damville pendant près de trois décennies. Il est clair que la population locale n'est pas d'un tempérament révolutionnaire et préfère la continuité, ce qui ne veut pas dire la stagnation. À noter aussi que les jeunes, statistiquement, votent peu et que l'ardeur juvénile qui pourrait faire basculer une élection n'a pas joué à Damville. Ceci est vrai sur toute la France. La jeunesse est assez neutre, peu engagée politiquement.
Damville, c'est finalement une commune assez "pépère" et comme le dit l'adage, "on ne change pas une équipe qui gagne".
Pourtant, le candidat, M. Levée avait un handicap à titre personnel : il est pratiquement inconnu des habitants et plus d'un m'a dit : "on ne le connait pas". Je leur ai répondu : "eh bien justement, c'est l'occasion de le connaître".
Je crois que si la liste a été élue, c'est qu'elle a bénéficié, en son sein, de la présence de personnalités connues et bien estimées de la population. Avec certaines notabilités qui, par nature, imposent le respect dû à leurs fonctions. Pour gagner une élection municipale, à moins de vivre un cycle révolutionnaire et d'être un ardent adepte des barricades, la recette, c'est d'avoir dans sa liste les notabilités qui symbolisent la continuité historique et la tranquillité d'esprit. M. Levée a donc réuni autour de lui les piliers classiques de l'institution républicaine, à savoir l'instituteur, le militaire, le notaire, le pharmacien. Ensuite, quelques personnalités bien implantées, agriculteurs respectés et des professionnels appréciés pour leur compétence. Et voilà, le tour est joué.
Vous pensez que je me trompe ? Aux dernières élections municipales, la personnalité la plus populaire s'est avérée être… Maître Barandon, le notaire de Damville. C'est lui qui avait le plus de voix. Pourquoi ? Outre sa sympathie personnelle, c'est la respectabilité de sa profession qui a drainé l'approbation, car son métier représente la transmission historique des biens, des terres. Et cela, les Damvillais y sont très attachés : c'est leur identité qui se voit représentée au travers de cette profession donnant l'assurance d'une France immuable. Ensuite, les enseignants : qu'on ait élu un enseignant n'est pas étonnant : c'est la profession la plus représentée même à l'assemblée nationale. On prête aux enseignants le savoir, la pédagogie, une confiance et une délégation de pouvoir à laquelle on nous habitue dès le plus jeune âge, à l'école. Alors, le jour de l'élection, ne redevient-on pas un peu comme un élève qui retournerait à l'école, approuvant ce que le maître nous a appris ? Vote-t-on inconsciemment plus facilement pour un enseignant — prestige du savoir — que pour un ouvrier ? Question à méditer. Le nouveau maire de Damville est enseignant, ancien officier militaire. Cela aussi a pu jouer, plus particulièrement sur les générations plus anciennes qui confèrent à l'armée une image de sérieux, de compétence et d'autorité.
"Un militaire, tout de même", m'a dit une brave dame de Damville… Eh oui, cela impose le respect et une image d'ordre. Que tout le monde réclame, dans un monde où les repères semblent se dissoudre.
Du côté de l'équipe perdante — qui a tout de même gagné 4 conseillers — il y avait plus d'inventivité. Plus d'exubérance, et c'était un vent de fraîcheur salutaire sur la commune qui n'avait pas l'habitude du débat politique. L'équipe, menée par M. Léon Accounès, personnalité sympathique et chaleureuse, a bénéficié de son aura personnelle et de sa popularité. Depuis qu'il était conseiller municipal et premier adjoint, il a fortement dynamisé la vie associative et soutenu les initiatives culturelles. Il a également osé "braver" l'autorité bien installée de Madame le Maire, ce qui a pu générer quelques frictions — à mon sens salutaires car il n'est jamais bon de se retrouver seul maître à bord. Je crois que M. Accounès a amené un nouveau style à Damville. En créant sa liste, il a posé l'existence de la dualité et donné un véritable souffle entre les électeurs et les candidats. Sa liste a aussi été un bienfait pour la liste de M. Levée, qui a été obligée de faire campagne, car rien n'était gagné d'avance. Le fait qu'il y ait une opposition a obligé la liste sortante… à sortir, à se faire connaître, à se rapprocher des gens. Cette dualité est désormais un élément dont le nouveau maire, à n'en pas douter, tiendra compte.
Le fait d'avoir constitué une liste d'opposition a été qualifié par certains comme une "trahison". C'est là un terme inapproprié. En réalité, il n'y a nulle trahison quand on propose un autre chemin. Il y a simplement alternative. Possibilité de choix. Il y a libre expression de l'opinion de chacun.
Cette liste n'a pas gagné. Pourquoi ? À cause d'une ambiguïté non résolue dès le début : il y avait deux figures de proue, M. Accounès et Mme Desnos. De son côté, Mme Desnos est assez connue pour son engagement politique de Gauche. Il est possible que cela ait refroidi certains électeurs qui auraient volontiers soutenu L. Accounès à titre personnel… Autre faiblesse de la liste : les personnalités, bien sympa, n'étaient pas assez connues sur le village pour draîner assez de voix. Et puis, il leur a peut-être manqué de la pugnacité, de la conviction. Peut-être aurait-il fallu faire un "porte-à-porte" plus soutenu, travailler les abstentionnistes dans les quartiers populaires ?
En tous cas, l'équipe nouvelle est constituée.
Le nouveau maire est élu. Il sera le maire de tous.
Les adjoints ont été nommés.
Et ils feront de leur mieux pour être méritants.
Etre élu n'est rien. Etre responsable est tout.
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