Damville disparait. Obsèques prévues le 1 janvier 2016.
Jamais encore, depuis que je réside à Damville (depuis 1992), je n'avais ressenti cela. Notre commune est en colère. Du moins très déçue.
Damville est une petite commune où la population est paisible, respectueuse de ses traditions, tout en étant ouverte à la modernité. Ici les gens se respectent, et il existe un modus vivendi qui rend la vie agréable, car personne n'interfère sur l'existence et la vie d'autrui. Il existe également une intense vie associative où les gens se rencontrent, échangent leurs idées : la démocratie à Damville est une réalité quotidienne. Toutes les idées sont acceptées, tous les débats sont possibles, à l'intérieur d'une tolérance réciproque et de l'acceptation de la différence.
Les attentats perpétrés par les terroristes à Paris ont certes mis entre parenthèses les problème locaux mais ils resurgissent inévitablement. Et ce que je percevais il y a quelques semaines, je l'entends à nouveau. Où que j'aille, je perçois l'écho d'une inquiétude. Que ce soit au café, au marché, dans la rue, dans les conversations amicales, de partout j'entends que la population est déçue, d'autres se disent écœurés. D'autres encore me disent qu'ils sont franchement en colère. Pourquoi ?
Tout est lié à cette histoire de fusion des 6 communes, Damville,
Condé-sur-Iton, Gouville, Roncenay-Authenay, Manthelon et le Sacq qui vont se réunir pour créér la "super-commune nouvelle" dont le nom sera
"Mesnils sur Iton".
Voici les choses que j'ai entendues :
— Qui a permis aux Maires des communes d'engager l'avenir de cette façon ?
— Damville a plus d'un millénaire d'âge. Et là, en quelques semaines, dans la précipitation, pour une poignée d'euros de subventions, on veut dissoudre notre commune au profit d'une "nouvelle commune" ?
— Comment peut-on faire un coup pareil ? Le contrat moral entre les élus et la population a été lacéré. C'est décevant, c'est d'un autre temps.
— La carte de la "nouvelle commune" ne recoupe pas celle de la Communauté de Communes. Ce qui va générer un désordre total, et augmenter les coûts de fonctionnement. Donc les impôts. Notamment pour les petites communes où les taxes étaient plus faibles que pour les grandes…
— Tout cela est déraisonnable, et croire qu'il s'agit d'un progrès est une naïveté. C'est une complexité que l'on ajoute dans la vie des gens.
— Qui a proposé ce ridicule "Ménils sur Iton". Il ne correspond à aucune réalité historique. Cela sort de l'imaginaire d'un amateur d'histoire médiévale qui croit légitimer le processus engagé par une fausse identité historique. Il n'y a pas de "Mesnil" ici. Il y a une ville, une cité, une unité, depuis plus d'un millénaire, et elle s'appelle Damville. Les autres communes, comme Condé, Manthelon, le Sacq, ont elles aussi leur forte identité. Il faut les garder.
—Ce qui ne passe vraiment pas, c'est la manière dont le projet est imposé. Aucune concertation, aucun dialogue avec les acteurs de la vie économique et culturelle (entreprises, artisans, entrepreneurs, associations). Tous les acteurs de la vie sociale ont été tenus à l'écart, au mépris de l'esprit démocratique. Il y a un sérieux problème. Tout cela vient de l'Etat central qui veut dissoudre les identités locales. C'est un vieux rêve du centralisme parisien…
—"La pilule passe mal" me disait une dame au village, "parce que je me sens méprisée. Je suis damvillaise et pas "Ménil-itonaise". J'aime qu'on me respecte. Je me sens flouée, dépossédée. Quelque part, je me sens trahie."
Un élu local m'a dit :
"Plus on est nombreux plus on est fort, mais en réalité c'est une illusion. C'est une ces phrases absurdes qu'on se répète pour se donner raison. C'est même une erreur au regard de l'histoire. Les grands empires ont toujours disparu en raison de leur trop grande dimension. Les espèces naturelles les plus grandes sont les plus fragiles. Les sociétés multinationales sont des géants aux pieds d'argiles. Ce sont au contraire les petites structures qui résistent toujours le mieux à la crise et qui s'adaptent le plus facilement. Créer des super-structures est une erreur intellectuelle, d'autant que le prétexte est financier et non culturel."
En tous cas, au 1er janvier, Damville disparaît…
Et naîtra cette super-commune de "Ménil-sur-Iton" dont le maire sera de toute évidence…
Le maire de Mesnils se trouvera dans une situation des plus scabreuses, et pendant au moins trois ans il sera à la tête d'une commune dont la population ne l'aura pas élu…
La suite de cet article…
Suppression de la comémoration du 11 novembre à Damville !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire