Damville est une paisible bourgade de Normandie, 2000 habitants.
Le Front national y est arrivé en tête aux élections européennes.
Marine Le Pen à Damville : ses idées ont bien percé. Je dirais plutôt son idéologie et ses délires.
Les habitants vivent dans la hantise de la délinquance. Quelle délinquance ? Réelle ou imaginaire ?
"Avec tout ce qu'on entend", me disait une brave dame à la Poste l'autre jour.
— Ah oui ? Tout ce qu'on entend, "c'est à dire", ai-je demandé ?
— Mais vous savez bien, tous ces délinquants…
Bon, il y a eu l'épisode des incendiaires… La Gendarmerie a fait son travail, ils sont neutralisés. Certains d'entre eux ont été sévèrement punis.
Il y a eu aussi quelques vols. Je crois savoir que les auteurs des larcins commis sur Damville sont identifiés et (défavorablement) connus de la Gendarmerie. Des gosses de 14-15 ans.
C'est vrai, il y a trois "tageurs" qui barbouillent quelques fois un mur…
L'un d'eux a même cassé une vitre dans une rue. (Dois-je le dénoncer ?)
Ils méritent assurément de recevoir la fessée.
— Je propose de recruter un bourreau pour administrer la fessée sur la place publique.
Cela dit : en sommes-nous arrivés à devoir former des sortes "comités de vigilance", comme le suggère la nouvelle municipalité ?
Attention : c'est très dangereux pour l'état d'esprit : quand on appelle à la vigilence, cela évolue inévitablement vers la "surveillance" et bientôt, chacun se sent missionné. Et là, on ouvre la boîte de Pandore. Un jour ou l'autre, ça dérape. Et tel citoyen bien intentionné, se sentant responsable, pour bien surveiller, enfilera son treillis de combat et fera une ronde, il s'accompagnera d'un ami et ainsi se forme une "patrouille", et de fil en aiguille, investis de ce sentiment, ils se prennent pour Zorro. Matraque en main (car il faut bien se défendre), de la surveillance on passe à l'action. Et dans l'action, le fusil de chasse est vite décroché. De la simple vigilance on passe à la surveillance de quartier et on glisse à l'initiative — et le coup de feu est vite parti.
Oui, il faut penser à tout cela quand on appelle à la "vigilance".
Alors soyons d'abord vigilants à nos propres faiblesses et défauts.
Soyons vigilants à l'égard de notre propre capacité de déraper.
On ne peut pas s'improviser "vigile" ou "justicier".
Ce genre d'initiative est très dangereux : on dit aux gens de "surveiller"…
— ensuite on se met à épier… Surveiller qui ? Le voisin ? — et bonjour la délation !
Délation de faits réels ou imaginaires ? Et voici les fausses accusations, les fausses suspicions… On aboutit à des signalements abusifs, et la rumeur malveillante est lancée. Ainsi, on arrive À DÉTRUIRE la réputation d'une personne honnête sur une fausse accusation, sur un faux signalement. La personne touchée sera DÉMOLIE. On commence par "surveiller", et cela finit par une délation ET LA MÉDISANCE. Le phénomène est bien connu : plus le mensonge est énorme, plus on y croit.
"Surveiller"… "dénoncer"… cela conduit à la calomnie, c'est un circuit automatique dans la conduction de l'esprit du vulgaire. Et l'esprit vulgaire c'est le plus nombreux.
C'est pourquoi je dis sincèrement que :
JE SUIS OPPOSÉ À CETTE INITIATIVE APPELANT À DÉNONCER.
La nouvelle municipalité appelle à "dénoncer toutes les incivilités à la gendarmerie".
Question : qu'est-ce qu'une incivilité ?
Et : qui suis-je pour "dénoncer" ? Est-ce que moi-même, je ne commets pas chaque jour une "incivilité" envers quelqu'un, parfois sans même me rendre compte ?
"Dénoncez-vous les uns les autres… comme je vous ai dénoncés ?"
Est-ce cela que nous avons appris ? Est-ce le nouveau commandement de notre époque ?
Signaler un crime : oui.
Signaler une agression réelle : oui.
Faire attention aux autres et à soi : oui.
C'est de l'ordre de l'éthique personnelle et les gens, à Damville, ont assez de probité citoyenne pour agir spontanément dans le bon sens.
Mais appeler publiquement au "signalement", là je dis : "NON" et "STOP" !
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