lundi 26 janvier 2015

Françoise Charpentier ne se présente pas aux élections cantonales

Je me promenais l'autre jour à Damville quand j'ai croisé, au hasard du chemin, les pas de Madame Françoise Charpentier, l'ancienne Maire de notre commune.
C'était une joie de revoir cette éminente personnalité qui, pendant 30 ans, a beaucoup œuvré pour la ville et le canton. C'était une joie ré-entendre son charmant accent du Sud qui contraste avec le mien, d'origine alsacienne…

L'occasion était belle de lui rappeler, sans protocole puisque nous étions là, en plein air, au bord de l'Iton, qu'elle a laissé un beau souvenir en tant que Maire et que sa gestion irréprochable mérite d'être saluée, ayant présenté un excédant de recettes lors des derniers budgets, à l'instant même où bien d'autres communes plongeaient dans les abysses du surendettement. Une élue exemplaire à plus d'un titre.

Et puis, à un moment de cette discussion impromptue, j'ai demandé à Françoise Charpentier ce qu'il en était des prochaines élections cantonales car le bruit courrait que… Comme la date approche, je désirais savoir si elle était candidate au poste de Conseillère Générale.
— Ah, me dit-elle… il y aurait beaucoup à dire…

Avais-je mis les pieds dans le plat, comme on dit ? Je remarquais, non pas un embarras chez mon interlocutrice, mais une sorte de déception dans son regard, et même une véritable tristesse.
— Vous ne vous présentez pas ? Alors que le canton a besoin de vous, ai-je ajouté ? Vous ne pouvez pas nous faire cela.

Diplomatiquement, l'ancienne Maire de Damville m'a fait comprendre que les choses n'étaient pas si simples et que pour être candidat à une élection, il fallait bénéficier de certains "adoubements" du parti politique, partant des militants… et que certains responsables de loin savaient orienter les opinions des uns et des autres dans des directions dont il est parfois difficile de déceler la profondeur… et les intérêts non moins insondables.
— Si vous n'êtes pas candidate, alors Damville perdra sa représentation au Conseil Général, ai-je tenté d'argumenter. Comment peut-on se passer d'une personne de qualité qui a fait ses preuves ?
— Il faut savoir passer le relais à d'autres, m'a répondu Mme Charpentier. Mon regret, cependant, dit-elle… Je pense avoir travaillé avec passion et abnégation, avec compétence et énergie pour représenter le canton au Conseil Général. Je ne serai pas candidate, mais mon regret, c'est la manière dont cela se passe.

Etait-ce une larme qui coulait de ses yeux ?
Je voyais bien que Françoise Charpentier souffrait de ne pouvoir m'en dire davantage et que par dignité elle ne me confierait pas exactement ce qui s'est passé dans les instances politiques décisionnelles. Mais je compris — sans qu'il soit nécessaire qu'elle m'en livre le détail — qu'elle subissait de toute évidence une violence visant à l'évincer. Et à priver le canton d'une réelle compétence.
Elle ajouta : — Je n'incrimine personne, parce que c'est mon honneur de ne pas nommer tel ou tel, mais un minimum de courtoisie dans les relations humaines m'aurait rendu plus facile mon départ de la vie politique.
Je lui répondis qu'à mon avis, en politique, il n'y a pas de sentiments, il n'y a que de l'intérêt et de la volonté de pouvoir. Ce qui, au fond, est assez peu de choses. Mais peut-être avez vous eu tort de croire, ai-je ajouté, qu'il pouvait y avoir des "amis" dans ce milieu ? Ou alors peut-être a-t-on vu un obstacle en vous ? Parce que vous avez de la force de caractère et de la décision ? Ou pire : peut-être vous reproche-t-on précisément vos qualités, parce que vous êtes compétente ? Et peut-être aussi parce que… vous êtes une femme ? Ah, si vous aviez porté une barbe et un complet trois-pièces sur mesure peut-être que tout se serait passé tout autrement ! Au fond, on vous reproche d'être ce que vous êtes, c'est à dire exactement ce que les électeurs ont apprécié en vous.

C'est sur cette touche d'humour qui nous fit rire tous les deux que nous avons repris chacun notre chemin. J'ajoutais toutefois avant de lui dire au revoir que pour ce qui concerne l'amitié, la mienne demeure acquise et inaltérable, n'étant entachée d'aucune politique si ce n'est… celle du cœur.
Une valeur en hausse dans un monde de brutes.